Petite Fée, cette fois, marchait d’un pas vif vers Burgha.
Non seulement, il ne neigeait pas, mais le soleil brillait et elle saluait toutes les fleurs qui dansaient joyeusement la sarabande de la revivance. Pour une saison, certes, mais elles reviendraient, et seraient – entre temps – remplacées par d’autres.
Elle s’émerveillait des tons de vert si différents qui décoraient la forêt et admirait, évidemment, particulièrement les feuilles dansantes, fines et élégantes de ses amis les bouleaux.
Quand elle arriva enfin devant Burgha, elle l’honora, comme d’habitude, en l’entourant d’un ruban rouge et s’appuya contre lui, s’imprégnant de sa force.
- Bonjour mon amie, je suis heureux de te revoir ; Tu me parais en meilleure forme que la dernière fois !
Son affirmation restait teintée d’un doute mais il attendait patiemment qu’elle lui explique.
Pourtant, petite fée semblait murée dans son silence et Burgha décida qu’il était temps de refaire un petit voyage dans son pays natal.
- Tu sais où nous allons Petite Fée, n’est-ce-pas? Alors,accroche toi et j’espère que tu n’as pas oublié ta rune magique!
(0bjet personnel)
- Non Burgha, elle est bien avec moi et, hop, il la prit dans ses bras pour ce merveilleux voyage qu’elle connaissait désormais et qu’elle accomplit dans le même émerveillement.
Comme d’habitude, leurs amis, sur place, savaient leur arrivée et leur yourte était prête à les accueillir .
Les mois ayant passé, il y avait quand même pas mal d’informations à échanger, entrecoupées des mêmes rires, des mêmes prières, des mêmes désolations car le monde n’allait pas mieux, de la même harmonie.
Petite Fée ignorait la raison pour laquelle Burgha avait décidé ce nouveau voyage mais elle lui faisait confiance et s’endormit facilement, se sentant protégée.
- Allez, réveille-toi, nous partons !
- Loin, Burgha ?
-Non, pas loin et même très près répondit Burgha . Nous pouvons y aller à pied.
Ils cheminaient au bord du lac Baïkal, la “perle de Sibérie” et elle remarqua la limpidité de l’eau.
- Tu sais, on peut voir jusqu’à quarante mètres de profondeur précisa Burgha. La pêche est pratiquée toute l’année, même lorsque le lac est gelé. Les pêcheurs font alors un trou dans la glace.
Ils suivaient maintenant les bords de la rivière Sarma et arrivent dans un endroit boisé dont Burgha indiqua à Petite Fée qu’il s’agissait du “Bois des Sorcières”.
(La forêt des Sorcières)
Petite Fée, sentait que l’on approchait du but.
Et là, soudain, une maison de bois, tellement biscornue que l’on se demandait comment elle pouvait tenir debout ; une intense activité semblait régner à l’intérieur et Burgha fit signe à Petite Fée d’entrer avec lui dans la masure.
- Bonjour Babiscka !
Une vieille femme, sans âge, et la mine plutôt revêche, se tourna vers les arrivants mais son visage s’illumina d’un sourire en voyant Burgha.
-Mon ami, comment vas-tu ? Et ceux du village ? Ces fainéants toujours assis dans leur fumée (elle parlait visiblement du chamans et du lama bouddhiste, voire du prêtre orthodoxe) ! Bah, je les aime bien mais ils ont la belle vie !
Et qui est cette poupée dit-elle en dévisageant Petite Fée.
- Une amie Babiscka, une jeune amie. Apprentie Fée mais elle est douée.
Devant la mue dubitative de la sorcière, il confirma : oui, elle est pleine de bonne volonté, elle cherche … et elle trouvera. Mais nous pouvons un peu l’aider Babiscka …
- Oui, peut-être, on va voir. D’abord, toi, va ôter ces vêtements ridicules, tu ne peux pas travailler avec moi dans ces conditions !
Un chaudron bouillonnait et Babiscka s’écria : Cela va trop fort ! Et il me manque trop d’ingrédients. Alors, Burgha, si tu permets, je la garde mais je n’ai pas de temps à perdre en bavardages.
Burgha prit congé de la vieille sorcière et de Petite Fée, promettant de revenir la chercher dans trois jours.
Petite Fée n’était pas intimidée : elle avait toute confiance en Burgha et connaissait l’existence de la famille des Babiscka.
- Allez, nous partons et vite petite, je dois prendre des ingrédients et c’est urgent. J’ai un vieil homme très malade et une jeune femme qui veut – je me demande bien pourquoi – absolument avoir des enfants et cela tarde. Tiens, prends ce balai et suis-moi.
Comment cette vieille femme, toute de travers comme sa maison, pouvait-elle posséder une telle aisance avec cet engin aussi instable ! Petite Fée n’avait pas le temps de s’appesantir sur son apprentissage car Babiscka n’attendait pas … ou faisait mine de ne pas attendre.
Bon, il me faut de la résine de cèdre, des aiguilles de mélèze, de la gentiane, des canneberges. Peut-être des yeux d’amour (poisson du lac Baïkal), un œuf de chabot et des épichuras (petites écrevisses). De la graisse de marmotte et quelques poils de zibeline. Petite Fée n’était pas d’accord avec la graisse de marmotte. Et Babiscka accepta de la remplacer par un bois de cerf. Si j’en trouve une grommela t-elle …
Tant d’ingrédients différents !
- Et il faut aller vite, surtout pour le vieux, il est vraiment mal. Va savoir ce qu’il a pu boire et en trop grande quantité cet idiot, ajouta Babiscka.
Elle conduisait son balai avec une agilité surprenante et connaissait bien son territoire …
Nantie de ce qu’elle convoitait , elle revint avec diligence à son logis biscornu et apprêta les ingrédients, les assaisonnant avec des choses bizarres qu’elle prenait dans des bocaux.
Elle transpirait, râlait, grondait son chat. Le vent se levait et elle fermait les fenêtres afin de veiller à son feu, les coinçait parfois avec un morceau de bois car, évidemment aucune fermeture n’était en état.
Petite Fée se hasarda :
- Vous n’êtes pas trop fatiguée ? La réponse fut un regard noir mais accompagné, en contre partie, d’un thé délicieux.
Quelques heures passèrent et – ayant pitié de Petite Fée – elle expliqua qu’elle partait soigner ces “deux crétins” mais que Petite Fée pouvait se reposer un peu. Et là revoilà sur son balai. Elle sortit en laissant la porte ouverte. Le soir tombait et il faisait quand même froid …
Petite Fée, s’installa dans un petit recoin bien poussiéreux et s’endormit recouverte d’oripeaux nauséabonds mais bienvenus quand même …
A son réveil, Babiscka n’était pas revenue et Petite Fée entreprit de faire le tour du propriétaire. Hum, elle n’était pas si désorganisée que cela Babiscka … Et elle en possédait du “matériel” qui avait dû lui demander de folles et longues cavalcades afin de les réunir.
Elle aurait bien souhaité ranger la “maison” mais elle n’osait toucher à rien ; elle feuilleta le grimoire de Babiscka et son admiration grandit devant le savoir et la débrouillardise de son hôtesse.
- Bonjour Petite, tu es remise ?
- Oui, mais vous ?
- Hé bien, tout va bien. Le vieil alcoolique est en voie de guérison et dans quelques mois, il y aura un nouvel habitant dans la région, lequel, évidemment, me donnera encore davantage de travail !
Bon, tu sais, le vieux monsieur, je l’aime bien. Il a beaucoup travaillé et dans des conditions difficiles. Mais c’est quand même un idiot ! Il devait faire du feu au lieu de boire, pour se réchauffer.
Et Natacha, elle aime son homme. Que veux-tu, c’est une sentimentale !
Babiscka, prit enfin le temps de s’assoir et de boire un thé avec Petite Fée.
C’était une vraie folie ! Babiiscka entendait lorsqu’on l’appelait, les bouleaux transmettant les messages. Elle râlait, soupirait mais enfourchait son balai et partait d’un coin à un autre par tous les temps.
Le dernier jour, Petite Fée lui demanda la permission de lui poser quelques questions. La vieille qui savait déjà que sa jeune compagne lui manquerait, accepta de s’arrêter pour écouter Petite Fée.
- Dites-moi, Babischka, vous êtes de la famille des Baba Yaga ?
- Évidemment, et j’en suis fière !
Chacun son boulot et son domaine et chacun fait à sa façon. Seuls les résultats comptent. Je ne fais de mal à personne. Mon devoir, c’est de soulager, de soigner, de trouver des solutions. Mais, tu sais, petite, il y a toujours des jaloux. Remarque, je les comprends, ils seraient bien incapables de voyager sur mon balai, ni d’attraper un poil de loup ou de zibeline sans se faire croquer !
- Mais se hasarda petite fée, savez vous si vous allez réussir quand vous entreprenez quelque chose ?
Alors, là, pour la première fois, Babiscka éclata d’un grand rire qui fit trembler les murs de sa maison.
- Réussir ? Mais ce n’est pas là l’important, petite, l’important, c’est que j’agisse !
- Vous n’avez aucun doute ?
- Doute, doute, explique moi, petite, je ne connais pas ce mot là !
Ceux qui ont mal, ceux qui ont besoin de moi, n’ont rien à faire de ce truc là que tu appelles doute. Ils ont besoin que je vienne, une fois, deux fois, dix fois, avec mes potions. Ils ont besoin de me parler, que je m’occupe d’eux. Et, tu sais, parfois, je les enverrais bien voir ailleurs si j’y suis.
Tiens, petite, je vais m’en préparer une de potion car mon balai avait son caractère aujourd’hui … Il a de la chance, le jour où je vais me fâcher, il va me servir de petit bois pour mon chaudron. Mais que veux-tu, nous vieillissons ensemble !
Un jour, je te parlerai de mon balai ; ce n’est pas simple de fabriquer son balai, c’est tout un rituel … Mais, ainsi que ta baguette, il est le prolongement de ma main .
Burgha apparut sur le seuil de la porte ; il échangea quelques mots avec Babiscka, lui remit des offrandes de la part des “fainéants” du village, la remercia car il savait qu’elle avait accompli sa mission auprès de Petite Fée. Cette dernière se permit deux gros baisers sur les joues parcheminées de Babiscka en lui promettant de revenir la voir.
Et Petite Fée et Burgha reprirent en sens inverse le chemin du village.
- Tu peux me dire, maintenant, Petite Fée ?
- Je veux bien mais tu sais …
- Peut-être, cependant, il est important que tu t’exprimes. Je désire vérifier que tu as bien compris !
- Burgha, parfois, je me sens impuissante, cela tu le sais. Tu m’as appris l’espérance. Et, aujourd’hui, avec l’aide de Babiscka, vous m’avez appris la foi. Il faut aider l’espérance …
-Tu as bien mérité une récompense, Petite fée! Et Burgha, la refermant dans ses grands bras reprit le chemin des airs pour la ramener au village, non sans avoir effectué un petit survol sur le lac.
Voici donc la dernière soirée arrivée … Nul ne désirait dormir et les bavardages emplirent la nuit, ainsi que les prières de chacun. Au matin, Burgha promit à ses amis qu’ils reviendraient pour la grande fête du naadam.
- Si j’ai encore quelque chose à apprendre, ajouta malicieusement Petite Fée.
Burgha, un instant interloqué, se joignit à leurs amis pliés de rire. Et Babischki également riait car elle avait vu toute la scène dans les yeux de son chat.
“Tu reviendras, Petite Fée, , tu reviendras” …
Je dédie ce modeste conte à ma chère A. : avec l’affection et l’amour qui vous entourent vous trouverez sur votre chemin ce qui vous sera nécessaire, foi de Babouschkirène !
A bientôt !
Voilà une très belle histoire qui tombe à pique.Je te remercie ma Fée.
Quel joli conte et qui m’a permis de découvrir le précédent que j’avais loupé.
Je viens de passer un merveilleux moment en te lisant.
Merci de tout coeur pour ces superbes contes qui nous remettent en tête les choses importantes.
Bises.
J’adore voyager dans ma tête en te lisant. Merci !
Un moment de détente magique
Irène, très joli conte.
C’est vraiment une très belle histoire qui va toucher sa destinataire. C’est un plaisir de voyager avec toi.
Je t’embrasse
je crois que j’aime tes contes tout autant que tes recettes, car l’un comme l’autre ils me font rêver
des bisous très débordés, promis je t’écris tout bientôt
Bonjour Zsa Zsa, cela ne fait pas de ma une petite piqûre de rappel … en douceur !
Tite Marie, merci. Cela me fait du bien également !
Sealeha, merci.
Bonjour Mystic, j’aime bien les moments magiques, en dehors du temps …
Colchique, merci !
Pat, j’ai pensé à mon amie et, parfois, tu n’as pas vraiment de mots “normaux” pour faire passer ton émotion, ton ressenti…
Bises
Ma chère Hind, merci de ta visite malgré le peu de temps dont tu disposes en ce moment. Mais ce n’est que du bonheur. Profite bien et à bientôt, quand tu pourras …
Bises
Moi aussi j’ai aimé suivre le chemin avec Petite fée…et cela fait telleemnt de bien ….merci beaucoup Irène
Quelle joli conte ma douce plein de clés et et d’amour.
Comme les fleurs , nous sommes en survivance et il est bien “prétentieux” de se poser en immuable mais telle est l’humanité.
Tu me donnes envie de serrer dans mes bras un arbre de vie. En attendant je te serres toi fort sur mon cœur et dis moi “dans quelle étagère erres tu? private joke!
Tu nous donnes de bien précieux enseignements et surtout , l’envie de l’action.
Bises
Bonjour ma parigote.
J’erre encore et je m’applique ce que je donne à entendre fans mes contes …
J’aime comment tu écris !
Bises
Flocréa, merci.
Mon but est atteint la personne à laquelle était dédié ce conte l’a lu et … cela lui a fait plaisir. Le sourire dans les larmes est souvent fort réconfortant.
Alors, que demander de plus ?
Merci Irène pour ce beau voyage, j’ai adorée