Rien à faire ; elle m’échappait mon irlandaise à tel point que, pour la première fois, j’ai abandonné la toile en cours pour en refaire une autre. Cela ne m’était jamais arrivé.
Bon, je vous l’accorde, elle n’est pas facile, une vraie irlandaise quoi : des cheveux frisés, plein la figure à cause du vent, des tâches de rousseur, un regard bien décidé.
Mais je n’en n’étais pas aux cheveux, j’en étais au visage …
Hier, quand je lui ai dit au revoir en quittant mon chevalet, ses yeux me souriaient, enfin !
- Ah, quand même, tu te décides à prendre vie !
- Petit sourire …
- Tu sais que j’ai changé mon médium, changé mon tube de blanc, pesté contre la chaleur…
- Petit sourire …
- Oui, je sais, je n’avais pas le temps de venir souvent te voir ces derniers mois et je passais
rapidement …
- grand sourire …
- Ah, tu l’as fait exprès !
- grand sourire
- Bon, alors, accepte mes excuses, je ne t’ai pas bien traitée, je n’ai pas été assez attentive, je ne me suis pas penchée sur toi avec assez de patience pour trouver ta carnation exacte, pour faire vivre tes yeux, ni même définir véritablement leur couleur …
- Très grand sourire …
C’est cela peindre. Être ce que l’on peint, devenir ce que l’on peint, ressentir le reflet du lac dans les yeux de mon irlandaise, ressentir le vent qui ébouriffe ses cheveux.
Là, pour la première fois depuis longtemps, effectivement, j’avais patiemment choisi les couleurs, je les avais appliquées avec douceur, je l’amenais à la vie sans tenir compte du temps, je devenais elle. Je vivais sa vie, là-bas, je voyais le lac qu’elle regardait, je ressentais son caractère bien trempé. Petites touches par petites touches.
Et, brusquement, elle fut là !
Je ne la connais pas … On peut me dire : c’est bien. Non, c’est moi qui, à un moment, sens, sais, que j’ai mis de l’âme dans ma peinture. Qu’elle est vivante. C’est une sensation magnifique et une récompense car avant d’en arriver là, il aura fallu faire le fond, l’esquisse en plusieurs couches. Faire naître, petit à petit mais non seulement cela. Il faut que je ressente un écho en moi, une connexion avec ce que je peins. Et savoir aussi quand je pense que j’ai abouti. Du mieux que je pense pouvoir faire.
Quand j’ai terminé un tableau, il quitte l’atelier et vient dans mon salon, dans un coin. Et je l’oublie là. En fait, je le regarde alors que je ne m’y attends pas et si quelque chose me heurte c’est à ce moment là, avec le temps, que je m’en aperçois. Quand je signe, c’est terminé, je n’y reviendrai pas.
Et lorsque, quand même, je lui ai dit au revoir, son regard me suivait.
Mais je suis restée là, un petit moment en refermant la porte de l’atelier et j’ai entendu cette surprenante conversation entre le lac et son ciel très spécial et mon irlandaise :
- tu as vraiment un sale caractère !
- Pourquoi ?
- Tu sais bien que je suis bien plus difficile que toi à rendre avec ce ciel plein de couleurs, qui se reflètent dans mon eau.
- Hé bien, tu vois, tu te trompes !
- Non, mais, c’est bien ce que je dis, quel caractère !
- Mon cher, elle sait bien que j’ai raison …
- Tu es vraiment une tête de mule !
- Allez, calme-toi ! Nous devons cohabiter pour longtemps, alors vivons en paix. Admire-moi et je t’admirerai, cela nous occupera !
Je ne sais pas s’ils ont encore discuté longtemps mais je vous dis, moi, qu’il s’en passe des choses derrière notre dos !
A bientôt !
Superbe …j’ai pu t’imaginer tout au long de ton texte…et tu décris si bien les sentiments les sensations ce fut un moment magique pour moi.;…et vivement que l’on puisse admirer cette irlandaise à qui tu as donnée vie :)bises
Très bel échange entre le peintre et son modèle…. l’Irlande est en tête de la liste des pays où je suis allée : pour les couleurs justement, la beauté des paysages changeants, la musique, l’Histoire, et bien d ‘autres choses….et…les Irlandais, peuple vraiment accueillant. Ce n’est pas un mythe ! J’ai hâte de voir ton tableau !
Il faut que tu la dresses avec les poings et que tu lui fasses boire une bonne bière
Elle ne devrait pas te résister, les irlandaises sont un peu sorcières, alors vous aurez beaucoup à vous dire
Bises ma Diva, et ce paysage me parle drôlement
ne dit ‘on pas que l’irlandais a l’âme blues du nègre!!!
Bonjour Flocréa, c’est cependant assez difficile à expliquer … Toi qui peins tu peux facilement comprendre.
Bises
Kat, j’ai une grande proximité avec mes tableaux ; il ne peut en être autrement.
Et quand je la posterai, je raconterai une histoire dans l’histoire de ce tableau, qui me touche particulièrement.
Merci !
Dis donc ma parigote, tu préconises la manière forte !
Mais tu as raison, nous avons beaucoup à nous dire …
Douces bises.
Irène, tu m’as drôlement donné envie de voir ton tableau.
L’Irlande est un des pays que j’ai très envie d’aller visiter.
J’espère que tu vas poster ton tableau pour qu’on puisse l’admirer.
une sorcière avec toi ? cela donnera des étincelles ….dans les yeux
Bien sûr Colchique, je vous posterai mon tableau …
Mystic, elle a des yeux … qui voient loin !
Je suis aussi impatiente de faire connaissance avec ta fée d’Irlande. J’aime beaucoup la façon dont tu parles de ta manière de donner vie à un tableau. Je t’embrasse