Petite Fée toujours en compagnie de Burgha était restée jusqu'au Noël orthodoxe, le 7 janvier, et elle avait ensuite était confiée par Burgha, pour plusieurs jours, au Père Piotr.
Un homme puissant, à la voix qui retentissait quand il chantait, bénissait les maisons à grands coups d’encensoir fumant et embaumant d’encens les logis ainsi protégés.
Mais un homme de silence également , écrivant des icônes dans le recueillement, sous le regard admiratif de Petite Fée. Tous les ingrédients devaient être naturels : la colle, les pigments. Tout faisait sens et il posait parfois ses fins pinceaux afin de donner des explications à son admiratrice silencieuse et attentive.
Il ne préparait pas de potion, remède, médicament ; Il écoutait, pardonnait, réconfortait au nom de Celui qui le lui permettait.
Père Piotr était moine, détaché d’un monastère, raison pour laquelle il était célibataire. Car les prêtres orthodoxes, pour assumer leur ministère, doivent obligatoirement être mariés.
Il était ermite et son ermitage ne se trouvait pas dans une grotte ou dans un désert mais à la sortie du village où il habitait une minuscule maisonnette à côté de la petite église en bois qu’il entretenait avec soin, méticulosité et amour. Elle était décorée, à l’intérieur, de fresques et de quelques icônes. Un hâvre de paix.
Petite Fée avait rapidement compris que lorsque les soins diligents de Babischka, Lama Dordgi et Valentin avaient échoués, Père Piotr était l’ultime refuge.
Petite Fée et Burgha étaient partis, puis revenus et là, le séjour durerait plus longtemps car il était question de vivre la débâcle de la perle de Sibérie processus qui prenait bien un mois.
La vie reprenait dans des grondements impressionnants ; la glace se rompait, des pans entiers étaient emportés par les flots. Et la nature revivait vite, vite .. Elle savait qu'elle n'avait pas tout son temps.
Petite Fée passait de longues heures à vivre cette mort et ce renouveau intense.
Dans le village, Petite Fée était très aimée ; elle rendait mille services à petits coups discrets de baguette magique, assistant les uns et les autres.
Le départ de Burgha et Petite Fée était programmé dans les prochains jours quand, un matin, le chat de Babischka fit irruption dans la yourte. Seul.
Immédiatement, Petite Fée comprit et se transporta dans la masure de Babischka. Cette dernière tremblait, recroquevillée sur sa méchante couche. Le poêle était éteint.
Burgha ayant alerté tous les responsables du village, ils arrivèrent rapidement mais restèrent muets et respectueux sur le pas de la porte : la communauté des Fées, mystérieusement présente, agissait sous l’autorité de Grande Fée.
Dans un ballet gracieux, silencieux et virevoltant, les baguettes magiques allumaient le feu, installaient des rideaux aux fenêtres, enveloppaient Babischka de chaudes et légères couvertures, lui faisaient boire une potion magique de leur fabrication. Un grand nettoyage s’effectuait dans la lumière : bocaux alignés, tiroirs fermés, grimoires rangés. Le balai lui même avait pris un coup de jeune.
La seule, immobile et comme paralysée, était Petite Fée qui se tenait auprès de Babischka et gardait la main de cette dernière dans les siennes. La vieille sorcière tentait de cacher son visage mais les larmes qui coulaient sur ses joues, en silence, parlaient pour elle.
Ainsi réchauffée, soignée, hydratée, assistée, elle s’endormit.
Grande Fée rassura tout le monde, chacun ayant réitéré sa totale disponibilité afin d’aider au rétablissement de Babischka.
L’impensable s’était produit : Une Babischka c’est vieux, ça râle, tempête, houspille son chat mais avec un dévouement sans limite, de jour comme de nuit est à la disposition de ceux qui ont besoin d’elle. Eternellement vieille, éternellement là. Mais ça ne pleure pas !
Grande Fée invita Petite Fée à partager une tasse d’un breuvage délicieux.
- Sais-tu, Petite Fée, ce qui arrive à Babischka ?
- Non, Grande Fée, non …
- L’amour est entré dans son cœur .. Et avec lui, la crainte.
Petite Fée commençait à comprendre …
– Cependant, ce n’est pas le rôle de l’amour de détruire, d’apporter maladie et désolation. L’affection que te porte Babischka a pris, dans sa vie, une importance qu’elle n’a pas su maîtriser, oubliant l’essentiel : l’amour ne peut, ne doit qu’être un plus, une joie profonde, une force. Ton prochain départ lui paraissait laisser dans sa vie un vide qui l’a glacée. Cependant …
Mais Grande Fée laissa sa phrase en suspens.
A son tour, Petite Fée pleurait.
- Désormais, Petite Fée, tu vas devoir réfléchir à ton avenir et notre communauté avec toi. Tu es ici loin de nous, mais tu as tout ton temps pour mettre tes idées au clair. Les personnes auprès desquelles tu as passé du temps ici, qui t’ont tant appris, ont également maintenant à connaître ce que tu peux faire pour elles, ce que tu désires faire. Nous avons voulu ces diverses initiations pour toi car il ne t’échappe pas que ce village, et plus largement ce lieu, sont dépourvus de représentantes de notre communauté. Ce n’est pas une situation normale et il y a un équilibre à offrir à cette région qui doit bénéficier, comme toutes les autres, de ses Nymphes, Nains, Lutins, Elfes et Fées. Tu vas maintenant réfléchir tranquillement à tout cela.
Une légère caresse sur ses joues et ce fut tout. La communauté des Fées n’était plus là.
Burgha assura Petite Fée qu’il restait auprès de Babischka. Il savait que son amie avait besoin de solitude.
Petite Fée avait fait une halte au bord du lac. Elle admirait l’eau et le ciel se joignant dans des épousailles de rêve.
“Ce n’est pas le rôle de l’amour de détruire …”. Ces mots résonnaient dans son cœur et sa tête. Et ce “Cependant”… que voulait dire Grande Fée ?
L’éternellement jeune et l’éternellement vieille … Oui, bien sûr, le déséquilibre était évident dans ce lieu merveilleux qui réclamait, qui exigeait la présence de “ses” Fées. Une Babischka ne peut pas vivre sans une jeune Fée …
Petite Fée avait compris ce qui se cachait derrière la phrase incomplète de Grande Fée. Restait à savoir pourquoi les Fées avaient déserté cette région.
Restait à savoir également quelle serait la décision de Petite Fée.
Babischka allait mieux. Il était temps de repartir.
Elle était là, évidemment, avec tout le village, Valentin, Lama Dordgi, Père Piotr pour partager le copieux repas qui aiderait Burgha et Petite Fée à effectuer leur voyage dans de bonnes conditions. Des mains qui s’agitent, l’envol, mais qui avait remarqué le clin d’œil de Burgha à Babischka ? Elle n’avait pas besoin de lire dans les yeux de son chat, cette fois, pour savoir que Petite Fée reviendrait.
Si vous désirez suivre les aventures de Petite Fée depuis le début, voici les épisodes par ordre chronologique :
- 1) Burgha et Petite Fée
- 2) Burgha, Petite Fée et Babischka
– 3) Petite Fée, Burgha et Valentin
– 4) Burgha, Petite Fée et Lama Dordji
A bientôt …
c'est toi qui ecrit ces merveilles irène!!
gros bisous
Alex
Coucou Ambre, tu sais ce sont juste de petits contes … Pour vous évader et moi avec.
Chacun, chacune y met son ressenti …
Bisous
Irène, merci beaucoup pour la suite de l'histoire très agréable à lire de Burgha.
Ça me fait un bien fou de contempler ces superbes images rafraîchissantes.
Merci Colchique. Je ne savais pas moi même quand j'ai commencé où cela me mènerait …
J'aime beaucoup l'histoire de Petite Fée, je trouve que c'est très touchant et plein d'émotion.
Tu as décidément tous les talents.
Je t'embrasse
Merci Pat.
Tu es toujours tellement indulgente avec moi !
Je t'embrasse
Petite Fée grandit au fil de ses rencontres…..et j'aime l'accompagner dans son cheminement
merci Irène pour ce joli conte …..
très bon week end
Oui, Flocréa, elle grandit … Et ses responsabilités grandissent avec elle.
J'aimerais réunir les qualités, les spiritualités de tous les personnages de ce conte afin de parvenir à la sérénité qui est – pour moi – un idéal à atteindre. Bon dimanche.
Merci Irène pour ce conte, heureuse de retrouver petite fée, grandir n'est pas facile et il faut faire des choix, hâte de lire la suite.
Je t'embrase.
C'est juste, Tite Marie, quand on est très jeune, on veut avoir 18 ans, être libre … Comme l'on dit, si jeunesse savait, si vieillesse pouvait … Bises à toi
Tu sais à merveille, parsemer nos chemins de petits cailloux emplis de sagesse
J'y trouve pour ma part, comme un écho, à ce qui nous chamboule toutes
Tous les enfants et les adultes qui ont gardé l'âme, l'envie d'écouter des histoires, des contes, y puiseront, une lueur nouvelle
L'amour, n'a nulle crainte, c'est sain et bon de nous le rappeler
La vie, et les chemins tortueux, que l'on est tenté de prendre, nous le font si vite oublier
J'aime, que tu sois, cette conteuse, qui nous prend si tendrement par la main pour retrouver la lumière
Je pense, que les "errantes" de soi même y puiseront apaisement et confiance en l'amour qui ne veut rien, seul la confiance
Bises mon amie
Merci ma Parigote, si lucide, pour ces belles phrases.
J’aime beaucoup les contes qui, en réalité, ne sont pas destinés aux enfants n’est-ce-pas … J’aime retourner dans cet état d’esprit où l’on apprend de jolie façon. Et, dans le tourbillon de nos vies, retrouver des sagesses premières.
Nous avons besoin de lumière, c’est vrai. Et de nous rappeler de nos avants triomphants et sereins, de comprendre que nous pouvons nous régénérer. Et nous apporter à nous mêmes et à nos autres.
Et, avant tout, toutes les spiritualités le disent, et la raison également, “sans l’amour …”.
Bises amie mienne.
Très sympa ton conte. J'aimerais avoir une telle imagination.
Merci Lucie. Je crois que lorsque l'on peint, on raconte également une histoire …
Je suis venue lire ton conte plusieurs fois pour essayer de mieux comprendre ce que tu suggérais… c'est le propre des vrais contes d'être assez mystérieux pour ne pas livrer tout de suite tous leurs secrets…
je reviendrai… bises
Il est vrai Venezia, qu'un conte se lit très souvent à travers le prisme de nos propres expériences. Il s'écrit souvent, aussi, à des moments ou des faits nous interrogent.
Bises de Genève, très chaude …